Les changements climatiques créent des hivers plus doux et des saisons estivales prolongées, ce qui augmente les risques d’introduire de nouvelles maladies ou accroît la présence et l’intensité de maladies déjà présentes au Québec. Les rouilles du blé, soit la rouille brune (Puccinia triticina f. sp. tritici), la rouille noire (P. graminis f. sp. tritici) et la rouille jaune (P. striiformis f. sp. tritici) peuvent créer des pertes significatives de plus de 50% quand les conditions sont favorables. Jusqu’à maintenant, seulement la rouille noire hiverne au Québec, et la rouille brune et la rouille jaune sont amenées par les vents du sud qui viennent du Mexique et du sud des États-Unis. Mais avec le réchauffement climatique, ces champignons commencent à survivre aux hivers dans les régions au nord des États-Unis et même au Canada. L’hivernation des rouilles dans les régions plus au nord risque d’amener des spores au Québec plus tôt en saison, ce qui induira plus de dommages dans la culture du blé au Québec.
Tout comme avec le Phytophthora sojae dans le soya, la relation rouilles-plantes hôtes est sous contrôle gène-pour-gène, c’est-à-dire que les races de rouilles peuvent seulement infecter des cultivars qui ne contiennent pas le gène de résistance correspondant à leur gène de virulence. En utilisant des gènes de résistance qui correspondent aux races présentes localement, on peut atteindre un bon niveau de contrôle des maladies. Cependant, les phénotypes de virulence de l’agent pathogène évoluent relativement rapidement et des mutations font évoluer les populations de rouilles vers des races virulentes qui font chuter la résistance des blés. Cette perte de résistance des cultivars est d’autant plus rapide quand le pool génétique des cultivars est surutilisé et peu diversifié. Une bonne connaissance des races s’avère donc importante pour développer des cultivars résistants et établir une diversité dans les gènes de résistance.
Ce projet vise à identifier les races de rouille brune, de rouille noire et de rouille jaune présentes dans les champs de blé du Québec, en collaboration avec des centres de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’identification des races de rouilles se fera dans une cinquantaine de champs des régions cultivant le blé. Les résultats seront transmis aux sélectionneurs et centres de recherche pour identifier les races de rouilles prévalentes et introduire des gènes de résistance dans les cultivars. Le profil régional des races de rouilles au Québec permettrait aux différents agents et acteurs du secteur céréalier (compagnies et distributeurs de semences, conseillers et producteurs agricoles) de privilégier les cultivars de blé portant des gènes de résistance aux races de rouilles identifiées dans les différents territoires et ainsi de limiter l’usage de fongicides foliaires.
L’identification des races de rouilles constitue le premier volet d’un plan qui devrait aussi inclure la caractérisation des gènes de résistance aux rouilles des cultivars de blé commercialisés au Québec. Ce volet supplémentaire permettrait une lutte intégrée contre ces maladies.