Phytogénétique, Phytoprotection
Génétique des céréales, Phytopathologie

L’étude et l’utilisation de résistance aux maladies multiples chez le blé afin de réduire le besoin de fongicides

Résumé vulgarisé

L’une des principales priorités des programmes de sélection du blé est le développement et la commercialisation de cultivars offrant une résistance efficace et durable à un grand nombre de maladies. La fusariose de l’épi (FHB) et les rouilles du blé sont des maladies dévastatrices du blé qui ont un impact économique important sur les blés sensibles. Le développement de cultivars résistants est un facteur clé pour une gestion durable des cultures. Le cultivar brésilien Toropi (Frontana 1971.37 / Quaderna // Petiblanco 8), mis sur le marché en 1965, a été cultivé commercialement pendant plus de 15 ans, conservant un niveau élevé de résistance à la rouille brune (RB) tout au long de ces années. Outre la LR, Toropi a également démontré une bonne résistance à la rouille jaune (RJ), à la rouille noire (RN), et à la fusariose. La résistance des Toropi à la fusariose a été étudiée dans le cadre du projet, et elle est conférée par la combinaison de plusieurs QTL (1A, 5A.1, 5A.2 co-localisés avec la RN, la RB et la RJ, respectivement). La colocalisation des gènes de résistance à la fusariose et à la rouille facilitera l’incorporation de la résistance à de multiples maladies dans de nouveaux cultivars de blé améliorés. Pour incorporer la résistance dans le blé québécois, des croisements ont été effectués et des populations sont en cours de développement.

Crédit photo : Silvia Rosa

Résumé scientifique

La fusariose de l’épi (Fusarium spp.) est une maladie dévastatrice du blé ayant un impact économique important. En plus de réduire les rendements, les céréales infectées par la fusariose accumulent des mycotoxines qui les rendent impropres à la consommation animale et humaine. Au Québec, la fusariose est considérée comme la principale maladie du blé. Les maladies foliaires (par exemple, les rouilles) peuvent réduire considérablement (50%) les rendements en grains des blés susceptibles. Pour lutter contre ses maladies, les fongicides sont souvent nécessaires, mais leur utilisation est liée aux problèmes de santé, d’environnement et économiques. Le développement de cultivars résistants est un facteur clé pour la gestion durable des cultures. Leur utilisation réduit la nécessité des pesticides et augmenter la rentabilité pour les agriculteurs.

Comme les plantes en plein champ sont attaquées par de multiples agents pathogènes, les généticiens doivent prendre en compte la résistance à de multiples maladies. Il n’est pas facile de combiner plusieurs gènes de résistance dans un seul cultivar. Par conséquent, la présence de régions génomiques conférant une résistance à plus d’un pathogène peut être très utile. Dans le cadre de ce projet, l’objectif était d’identifier de résistance effective à de maladies multiples, dont la fusariose d’épi (ci-après considérés comme fusariose), et poursuite le développement de cultivars de blé résistants, qui constituent un outil alternatif à l’usage des pesticides (amélioration de cultivars).

Le cultivar brésilien Toropi, enregistré en 1965, a montré une bonne résistance à la rouille des feuilles, à la rouille jaune, à la rouille noire (Barcellos et al., 2000; Rosa et al., 2016, 2018, 2019; Kolmer et al., 2018). Récemment, les résistances de Toropi aux trois rouilles du blé ont été cartographiées en utilisant deux populations à double haploïde dérivées du croisement entre Toropi et Thatcher (Rosa et al., 2019). Une population de 168 lignées (population 1) a été génotypée par 90K iSelect rangée de polymorphismes à nucléotide simple (SNP pour « single nucleotide polymorphism »), tandis que la seconde population (155 lignées, population 2) a été partiellement génotypée pour valider les loci de résistance à la rouille. Un projet pilote de résistance de Toropi à la fusariose a été lancé en 2018 pour tester la population 1 de Toropi dans une pépinière de fusariose à Saint-Mathieu-de-Beloeil (QC) avec inoculation et irrigation artificielles. Les résultats suggèrent que les loci sur le chromosome 5A confère au Toropi portion de sa résistance à la fusariose. Deux loci associés à la fusariose ont été détectés sur le chromosome 5AL, l’un au même endroit d’un QTL associé à la résistance à rouille des feuilles et l’autre au même endroit d’un QTL de résistance à la rouille jaune. Cette découverte étant très intéressante, nous avons voulu la confirmer dans le cadre de l’actuel projet du MAPAQ.

Toropi et Thatcher, les parents des populations en étude, ont montré une résistance bonne à intermédiaire à la fusariose dans tous les essais. Toropi a présenté dans la plupart des essais moins de symptômes au champ que Thatcher, mais ce dernier a accumulé moins de DON. Une ségrégation transgressive (meilleures et moins bonnes lignées dans la population par rapport aux parents) a été observée dans les deux populations pour tous les caractères évalués, ce qui signifie que les gènes contrôlant l’infection par le Fusarium dans Toropi et Thatcher sont différents et que leur combinaison améliore la résistance à la fusariose.

Sept régions génomiques (loci de caractères quantitatifs, « quantitative trait loci » – QTL)  (dans les chromosomes 1A, 3B, 5A.1, 5A.2, 5D, 7B et 7D) liés à la résistance à la fusariose ont était identifiés chez Toropi, mais les plus importants se trouvaient dans les chromosomes 1A et 5A (2 régions) (Fig 1). Et à notre grande surprise, ils sont colocalisés avec les régions associées à les résistances à la rouille noire, la rouille brune et la rouille jaune, qui ont été identifiés précédemment par notre groupe. Chez Thatcher, one région génomique (chromosome 2B) a était identifié comme conférant résistance à la fusariose.

Pour évaluer l’effet des QTL (1A, 5A.1 et 5A.2 de Toropi-6.4 et 2B de Thatcher) identifiés dans la population entre Toropi et Thatcher sur la résistance à la fusariose, les lignées de la population ont été classés en fonction de la présence ou de l’absence de QTL et regroupés en 16 classes comprenant l’absence de ces QTL, la présence d’un ou de plusieurs QTL. Individuellement, chaque QTL n’a pas présenté d’effet majeur sur la réduction de la fusariose (similaires à la classe sans aucun des 4 QTL) (Fig 2). Cependant, en combinaison, ils ont montré un effet additif, réduisant les symptômes et les niveaux de DON.

Pour incorporer la résistance de Toropi dans le blé québécois, des croisements ont été effectués et des populations sont en cours de développement. Les marqueurs moléculaires qui ont été conçus pour faciliter l’introduction de la résistance à la fusariose et aux rouilles dans les futurs cultivars de blé seront utiliser. De nouveaux cultivars résistants aux maladies multiples et présentant des teneurs réduites en mycotoxines devraient être mis à la disposition des agriculteurs québécois d’ici quelques années.

Objectifs

Dans le cadre de ce projet, l’objectif était d’identifier des résistances efficaces à de multiples maladies, dont la fusariose et les rouilles, et de poursuivre le développement de cultivars de blé résistants.

 

Crédit photo : CÉROM

Domaine : Phytogénétique, Phytoprotection
Spécialité : Génétique des céréales, Phytopathologie
Porteur de projet : Silvia Barcellos Rosa
Collaborateur(s) interne(s) : Tanya Copley
Collaborateur(s) externe(s) : Camila Zanella (NIAB), Maria Antonia Henriquez (AAC), Lesley Boyd (AAC), Brent McCallum (AAC), Colin Hiebert (AAC), Srinivas Sura (AAC)
Source de financement : MAPAQ – Programme Innov’Action Agroalimentaire, SeCan, PGQ
Durée : 2020 – 2024
Culture : Blé de printemps
Pays : Canada, Royaume-Uni
Régions : Montérégie
Statut : Terminé

GALERIE PHOTOS

PROJETS

épis de blé
Les maladies foliaires peuvent engendrer des pertes de rendement significatives pour les producteurs de blé, se traduisant par des pertes de rendement annuelles entre 5 % et 44 %. La méthode la plus fréquente pour réduire les pertes associées aux maladies foliaires du blé est l’utilisation de fongicides foliaires. Selon des données de l’Allemagne, l’utilisation de fongicides foliaires peut réduire les pertes de rendement associées aux maladies foliaires de 12 %. Par contre, l’utilisation non justifiée de fongicides foliaires représente non seulement des coûts non négligeables pour les producteurs, mais aussi potentiellement des effets néfastes pour l’environnement, la santé humaine et des animaux, et éventuellement l’efficacité des fongicides foliaires via le développement de résistance aux fongicides. L’utilisation raisonnable et durable des fongicides foliaires est donc nécessaire, surtout dans un contexte où les changements climatiques risquent d’augmenter la fréquence des épidémies, de précipiter l’arrivée de maladies, ou d’en introduire de nouvelles au Québec. La lutte intégrée des ennemies de culture et l’utilisation raisonnable et justifiée des fongicides foliaires sont donc des pratiques obligatoires faces aux changements climatiques afin d’assurer une production durable et rentable pour les producteurs. L’utilisation de cultivars résistants est souvent considérée comme la première ligne de défense contre les maladies, en plus de représenter un moyen rentable et durable pour combattre les maladies agricoles, et plusieurs études démontrent que les pertes de rendement sont hautement corrélées avec le niveau de résistance d’un cultivar, avec moins de pertes quand un cultivar résistant est utilisé . Le seuil de control, c’est-à-dire le niveau d’infection dont une application de fongicide foliaire est efficace, rentable et justifiable, peut varier selon le stade d’infection, la maladie, et le niveau de résistance d’un cultivar. Bien que les seuils d’intervention actuels au Québec soient basés sur un seuil de 5 % de la feuille étendard ou les feuilles du haut, les applications systématiques à certains stades phénologiques demeurent une pratique courante. Klocke et al. (2023) ont démontré qu’une intervention de « situation », basée sur le niveau de résistance d’un cultivar contre différentes maladies et l’utilisation d’un cultivar multirésistant peut réduire l’indice de fréquence des traitements de fongicides foliaires par 80 %, comparé à des applications basées sur le stade du cultivar sans prendre en compte le niveau de résistance ou la sévérité de la maladie. Ce projet vise à démontrer que les seuils d’intervention recommandés sont fiables et que les applications de fongicides foliaires ne sont justifiées que lorsque ces seuils sont atteints et si les conditions météorologiques favoriseront le développement continue de la maladie. Le but du projet est de comparer l'efficacité relative de l'utilisation de la résistance génétique pour lutter contre les maladies afin de réduire l'utilisation des pesticides dans le blé.
Le milieu agricole fait face à de multiples défis, incluant la confontration de multiples ennemis des cultures comme les mauvaises herbes et les maladies qui peuvent réduire les rendements de façon significative. Leur présence et les pertes qui y sont associées sont fortement incluencées par l'environnement, dont les changements climatiques jouent un rôle important. Pour faire face à cette situation, l'utilisation de pesticides demeure une des outils principaux, par contre, leur utilisation n'est souvent pas jusitifée. À cette problématique, s'ajoute la déradation de la santé des sols, constaté depuis les année 1990 au Québec. Des modèles prévisionnels peuvent aider les producteurs à prendre des décisions informées, mais les modèles existant sont souvent basés sur des conditions générales et non les conditions réelles du champ. L'exploitation de l'intelligence artificielle appuyée par des données multisources, incluant les observations par télédétection, permettra le développement de modèles prédictifs plus précis. Mais, le développement de tels modèles est confronté à l'accès aux données à grande échelle. Ce projet vise à s'attaquer à cette problématique, en développant une infrastructure numérique intelligente (INI), basée sur une nouvelle approche de fédération des données à l’échelle de la Montérégie. Le projet développera également des modèles prédictifs pour deux ennemis des cultures, notamment l'émergence du chénopod blanc et l'apparition des apothécies de la sclérotiniose du soya, à traver de la base de données et des données de télédétection.

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